Marie-Antoinette, dernière reine de l'Ancien Régime

02/11/2023

  « S'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche ». Qui n'a jamais entendu cette phrase attribuée à Marie-Antoinette ? En réalité, Marie-Antoinette ne l'a jamais prononcée. Cela fait partie de la légende noire qui entoure cette reine, tour à tour accusée d'être voleuse, espionne, frivole ou encore infidèle. Il nous a paru important en ce 2 novembre, jour anniversaire de sa naissance de se remémorer la vie de cette femme courageuse mal aimée, en particulier ses derniers instants tragiques.

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  Marie-Antoinette Josèphe Jeanne de Habsbourg-Lorraine, née le 2 novembre 1755 à Vienne en Autriche est la dernière Reine de l'Ancien Régime.

  Archiduchesse d'Autriche, elle est la plus jeune fille de l'impératrice Marie-Thérèse d'Autriche et de François 1er, empereur du Saint Empire.

  Sa mère, comme tous les souverains de l'époque met le mariage de ses enfants au service de sa politique diplomatique qui vise ici à réconcilier, après des siècles de guerre, les Maisons d'Autriche et de France et ainsi faire face aux ambitions conjointes de la Prusse et de la Grande-Bretagne. C'est pourquoi en 1770, alors âgée de 14 ans, Marie-Antoinette devint Dauphine de France par son mariage avec le futur roi Louis XVI puis reine en 1774.

  « La petite fiancée du peuple français », tel est le surnom donné par le peuple à son arrivée en France, ému par sa beauté et sa jeunesse. Mais elle est détestée de suite par la bourgeoisie et une partie de la noblesse, l'Autriche étant à ce moment-là l'ennemi héréditaire de la France. Ils l'appellent « l'Autrichienne » dès son arrivée à Versailles.

  Son mariage avec Louis XVI ayant mis 7 ans à être consommé, on l'accuse, à tort, d'être stérile ou encore d'avoir des amants, des maîtresses même et de dilapider l'argent public pour ses favoris. Le nom de Fersen est le plus connu, ce Comte suédois qui aurait été l'amant de la Reine. C'était effectivement un familier de la Reine, ils correspondaient beaucoup par lettre et il ne fait aucun doute que Marie-Antoinette avait des sentiments pour cet homme comme en témoignent les nombreux courriers échangés mais leur relation n'est jamais allée plus loin. C'est Alain Sanders qui en parle très bien en expliquant que la Reine n'était jamais seule, entourée de sa cour, de ses suivantes en permanence et parmi son entourage, jamais personne n'a mentionné cette relation extra conjugale, aucun témoignage, aucune lettre. Si cela avait été le cas, les Révolutionnaires auraient été au courant et n'auraient pas manqué de lui reprocher cette faute lors de son procès, ce qui n'a pas été fait. On peut donc penser que ces faits ont été inventés après sa mort, pour noircir davantage son image.

  « Madame Déficit », tel est l'autre nom qu'on lui a donné. En effet, la Reine avait l'habitude de recevoir plusieurs fois par semaine à Versailles mais les fêtes coûteuses qu'elle organisait ont profité au rayonnement de la France, notamment en ce qui concerne la mode et le commerce du textile et elles n'étaient en réalité pas grand-chose parmi les dépenses générales de la cour, des administrations ou comparé au niveau de vie de certains princes de sang. Au total, les dépenses de la cour ne représentent que 7% du budget du royaume, soit guère plus que les règnes précédents.

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  Le 5 mai 1789 s'ouvrent les Etats généraux. Très rapidement derrière, le 4 juin de la même année, le petit Dauphin meurt et les événements politiques du moment ne permettent pas à la famille royale de faire son deuil convenablement. Bouleversée par cet événement et désorientée par la tournure que prennent les Etats généraux, Marie-Antoinette se laisse convaincre par l'idée d'une contre-révolution et tente de convaincre le roi de quitter Versailles pour un endroit plus sûr, loin de la capitale.

  Le 1er octobre, un banquet est donné par les gardes du corps de la Maison militaire ; la reine est acclamée, des cocardes blanches sont brandies et selon certains témoignages, des cocardes tricolores sont foulées au sol. Ce banquet est vu comme un scandale car le pain manque à Paris. S'en suivent les « journées révolutionnaires d'octobre » et le déménagement forcé de la famille royale de Versailles pour le palais des Tuileries.

  Le 20 juin 1791, la famille royale tente de s'échapper mais est vite arrêtée à Varennes. De retour à Paris, Louis XVI accepte la Constitution. Mais à la fin du mois de septembre, l'Assemblée constituante se dissout et est remplacée par l'Assemblée législative, cependant que des bruits de guerre avec les monarchies alentour, au premier rang desquelles l'Autriche, se font plus pressants. Le peuple est alors remonté contre Marie-Antoinette, « l'Autrichienne ». Les pamphlets et journaux révolutionnaires la traitent de « monstre femelle » ou encore de « Madame Veto » et on l'accuse de vouloir faire baigner la capitale dans le sang. Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à l'Autriche et après avoir essuyé plusieurs défaites, on accuse à nouveau Marie-Antoinette de livrer à l'ennemi des renseignements militaires français.

  Le 10 août, les Tuileries sont prises d'assaut, les gardes suisses massacrés. Le roi et sa famille se réfugient à l'Assemblée, qui vote la suspension provisoire du roi et leur internement au couvent des Feuillants. Le lendemain, la famille royale est finalement transférée à la prison du Temple. Pendant les massacres de septembre, la princesse de Lamballe, proche amie de la reine et victime symbolique, est sauvagement assassinée, démembrée, mutilée, déchiquetée et sa tête est brandie au bout d'une pique devant les fenêtres de Marie-Antoinette pendant que divers morceaux de son corps sont brandis en trophée dans Paris.

  Peu après, la Convention vote l'abolition de la monarchie et l'instauration de la Première République, et déclare la famille royale otage. Le 11 décembre, Louis XVI est séparé de sa famille pour être emmené dans un autre logement de la prison du Temple.

  Il est exécuté le 21 janvier 1793. Le 27 mars de la même année, Robespierre évoque le sort de l'ancienne reine pour la première fois devant la Convention. Le 13 juillet, Louis-Charles est enlevé à sa mère et confié au savetier Simon. Le 2 août, c'est Marie-Antoinette qui est séparée des anciennes princesses, sa fille Madame Royale et sa belle-sœur madame Élisabeth, et est conduite à la Conciergerie. Durant son séjour dans sa prison, Marie-Antoinette, atteinte de saignements, aurait développé un cancer de l'utérus ou aurait été affectée d'une ménopause précoce. Robespierre, inquiet, la fait suivre par son propre médecin, Joseph Souberbielle, qui constate des métrorragies récurrentes. Aussi Robespierre fait-il accélérer la procédure judiciaire.

  Le 14 octobre 1793, Marie-Antoinette comparaît devant le Tribunal révolutionnaire, mené par l'accusateur public Fouquier-Tinville. Si le procès de Louis XVI devant la Convention avait conservé quelques formes de procès équitable, ce n'est pas le cas de celui de la reine déchue. Le dossier est monté très rapidement mais il est incomplet, Fouquier-Tinville n'ayant pas réussi à retrouver toutes les pièces de celui de Louis XVI. Pour charger l'accusation, il parle de faire témoigner le dauphin contre sa mère qui est alors accusée d'inceste par Jacques-René Hébert. Il déclare que l'ancienne reine de France et Mme Élisabeth ont eu des attouchements sur le jeune Louis XVII. Marie-Antoinette ne répond rien et un juré en fait la remarque. Marie-Antoinette se lève et répond alors « Si je n'ai pas répondu c'est que la nature elle-même refuse de répondre à une telle accusation faite à une mère. J'en appelle à toutes celles qui peuvent se trouver ici ! ». Pour la dernière fois, la foule (et surtout les femmes) applaudit la reine déchue.

  Les dépositions des témoins à charge s'avèrent bien peu convaincantes. Marie-Antoinette répond qu'elle n'était « que la femme de Louis XVI, et qu'il fallait bien qu'elle se conformât à ses volontés ». Fouquier-Tinville réclame la mort et fait de l'accusée « l'ennemie déclarée de la nation française ». Les deux avocats de Marie-Antoinette, Tronçon-Ducoudray et Chauveau-Lagarde, prévenus au dernier moment et n'ayant ainsi pas eu le temps de prendre pleine connaissance du dossier, ne peuvent que lire à haute voix les quelques notes qu'ils ont eu le temps de prendre…

  La condamnation à mort, pour haute trahison, est prononcée le 16 octobre 1793 vers 4 heures du matin.

  Marie-Antoinette est exécutée le même jour à midi et quart. Le matin du 16 octobre, elle est menée, mains entravées et sur une charrette (alors que Louis XVI avait eu droit à un carrosse), de la Conciergerie, jusqu'à la place de la Révolution. D'après certains historiens, elle subit avec dignité les sarcasmes et les insultes lancés par la foule massée sur son passage ; elle mettra une heure pour traverser la place et monter à l'échafaud…

  Dans les instants tragiques séparant sa condamnation à mort de son exécution, après avoir refusé le prêtre assermenté à la constitution civile du clergé, elle accomplit son devoir de chrétienne, pardonner et demander pardon :

  « Je meurs dans la religion catholique, apostolique et romaine, dans celle de mes pères, dans celle où j'ai été élevée, et que j'ai toujours professée. [...] Je demande sincèrement pardon à Dieu de toutes les fautes que j'ai pu commettre depuis que j'existe. J'espère que, dans Sa bonté, Il voudra bien recevoir mes derniers vœux, ainsi que ceux que je fais depuis longtemps, pour qu'Il veuille bien recevoir mon âme dans Sa miséricorde et Sa bonté. Je demande pardon à tous ceux que je connais et à vous ma sœur, en particulier, de toutes les peines que, sans le vouloir, j'aurais pu leur causer. Je pardonne à tous mes ennemis le mal qu'ils m'ont fait ».

  « Le premier crime de la Révolution fut la mort du Roi, mais le plus affreux fut la mort de la Reine »

  Chateaubriand.


Eva du Tertre