L'instruction des enfants : un combat essentiel

18/08/2023

Partie I : Histoire de l'école 

  Il n'est d'institution publique sur laquelle l'Etat veut avoir autant de contrôle que l'école et l'éducation des enfants, dès leur plus jeune âge ; les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2021, le ministère de l'Education nationale représente le premier budget du pays, soit plus de 76 milliards d'euros.

  Avec une telle somme investie, nous pourrions penser que les enfants français jouissent de la meilleure instruction possible, faisant d'eux des hommes et des femmes libres et responsables ? Nous constatons chaque jour qu'il n'en est rien, et que malheureusement nos enfants sont à la merci d'un système éducatif qui ne veut pas leur bien.

  L'école, par définition, c'est avant tout un apprentissage, que ce soit dans un établissement éducatif, dans une université, dans une caserne... L'écolier vient se soumettre à l'enseignement d'un maître, qui aura donc de par sa position supérieure à l'écolier, une certaine influence sur lui. Et nous savons combien les enfants (et les petits enfants) sont particulièrement réceptifs.

  C'est une chose qui a été rapidement comprise par les élites, qu'elles soient politiques ou religieuses. L'école est un élément essentiel à la construction d'une nation solide !

  Les exemples dans l'histoire de France abondent dans ce sens, de Charlemagne à Jules Ferry, ces deux grands noms qui nous viennent à l'esprit quand on pense à l'école.

  Petite histoire de l'école en France et son importance pour la société

  Entre Charlemagne et Jules Ferry, il serait complètement faux de penser que le peuple français ait été un peuple d'ignorants, volontairement maintenu dans cet état (aux dires de certains auteurs).

  Charlemagne et le Moyen-Age

  Charlemagne n'a pas véritablement inventé l'école, elle existait déjà depuis longtemps, néanmoins délaissée depuis la chute de l'Empire Romain en 476, on lui doit sa réinvention. Tout au long de son règne, il favorisera donc la création d'écoles régies par les abbés où l'on apprend à lire, à écrire et à compter ainsi qu'un enseignement religieux, ayant même l'ambition par ce moyen de rendre à son empire le goût des lettres et des sciences. À l'intérieur de son palais, Charlemagne crée l'école palatiale d'Aix-la-Chapelle, où sont admis des enfants aussi bien de la noblesse que de simple condition. Il la présente comme un modèle destiné à orienter et à inspirer les enseignements dispensés dans les autres écoles.

  En 789, il fait cette demande : « Qu'on rassemble non seulement les fils de condition modeste, mais les fils bien nés. Qu'on établisse des écoles pour l'instruction des garçons. Que dans chaque monastère on enseigne les psaumes, les notes, le chant, le comput, la grammaire, et qu'on dispose de livres bien corrigés. »

  S'ouvrit alors une ère très florissante pour l'instruction, du plus jeune âge aux degrés élevés de l'université. Le soin de ces enseignements furent majoritairement confiés aux religieux. Jusqu'au XI° siècle, ce sont surtout les abbayes qui dispensent les éducations plus élitistes. Les familles de plus faible condition ne manquaient certainement pas d'instruction non plus : elle était dispensée dans les paroisses, par le curé ou de dévouées religieuses.

  C'est au Moyen-Age que fut fondée la célèbre université de la Sorbonne, et toutes les chaires de philosophie et théologie. On y enseignait le latin, l'hébreu, le grec …

  Dès le XIIIème siècle, dans certaines villes, les filles pouvaient aller à l'école, quelle que soit leur condition sociale !

  La fréquentation de ces établissements n'était pas obligatoire mais vivement encouragée. Ainsi au XIVème siècle, l'évêque de Mende recommanda l'ouverture d'une école par village. Au XV° siècle on ne dénombrait pas moins de 100 petites écoles rien qu'à Paris.

  De la Renaissance à la Révolution

  Avec la Renaissance, s'ouvrit une nouvelle ère dans l'enseignement, plutôt dans la classe sociale élevée : place est faite à l'enseignement de la poésie, l'art de bien converser, la gentilhommerie… Parfois au détriment d'une instruction religieuse solide.

  Dans les classes moins aisées, l'ouverture d'établissements continue de progresser dans les diocèses. Précisons une chose très importante : toutes ces écoles étaient gratuites !

  Laissons la parole à l'historien Hippolyte Taine (1828-1893), sur la situation des écoles avant la Révolution Française : « Avant la Révolution, dit-il, les petites écoles étaient innombrables : dans la Normandie, la Picardie, l'Artois, la Flandre française, dans la Lorraine et l'Alsace, dans l'Ile-de-France, la Bourgogne et la Franche-Comté, dans les Dombes, le Dauphiné et le Lyonnais, dans le Comtat, les Cévennes et le Béarn, on en comptait presque autant que de paroisses, en tout probablement 20 000 ou 25 000 pour les 37 000 paroisses de France, et fréquentées, efficaces ; car, en 1789, 47 hommes sur 100 et 20 filles ou femmes sur 100 savaient lire et pouvaient écrire. Et ces écoles ne coûtaient rien au Trésor, presque rien au contribuable, très peu aux parents. En beaucoup d'endroits, des congrégations, entretenues par leurs propres biens, fournissaient les maîtres ou maîtresses, frères de la Doctrine chrétienne, frères de Saint-Antoine, Ursulines, Visitandines, filles de la Charité… »

  Le niveau scolaire et l'enseignement qui y étaient donnés étaient-ils médiocres ? Les méthodes pédagogiques étaient-elles barbares ? Là encore, donnons la parole à Joseph Joubert (1754-1824), moraliste et essayiste du XVIII° siècle : « Regrettons nos anciens collèges, c'étaient véritablement de petites universités élémentaires. On y recevait une première éducation très complète, puisqu'on en sortait capable de devenir, par ses propres efforts et par ses seules forces, tout ce que la nation voulait. La philosophie et les mathématiques, dont on fait tant de bruit, y avaient des chaires ; l'histoire, la géographie et les autres connaissances dont on parle tant, y tenaient leur place, non pas en relief et avec fracas comme aujourd'hui, mais, pour ainsi dire, en secret et en enfoncement. Elles étaient fondues, insinuées et transmises avec les autres enseignements. On les goûtait et on emportait le désir de les apprendre ; on les apprend aujourd'hui, et on part avec le désir de les oublier. Pour me servir d'une métaphore musicale, on faisait résonner la touche de toutes les dispositions, on déterminait tous les esprits à se connaître et tous les talents à éclore. »

  Notre intention n'est pas d'idéaliser ce qui se faisait avant, rien n'est parfait et il y avait sûrement beaucoup à redire, néanmoins nous sommes bien loin du désert intellectuel et de l'ignorance du peuple, comme l'ont dénoncé à cor et à cri les philosophes des lumières (sic) ou Jules Ferry.

  Pourquoi la révolution a-t-elle eu un tel acharnement contre ce système scolaire ? Il n'était nullement nécessaire de bouleverser la France, d'instituer la guillotine et la terreur, de verser tout ce sang, pour tirer le pays de l'ignorance et pour répandre l'instruction. Ce qui dérangeait tant, c'était que cet enseignement était majoritairement dispensé par des membres de l'Eglise catholique, et il fallait que cela cesse pour que l'enseignement révolutionnaire, à l'opposé de la doctrine de l'Eglise, puisse entrer dans les esprits.

  Commença alors une grande campagne de dérision vis-à-vis des enseignants, puis leur expulsion, leur traque, leur persécution… Au lieu de restaurer et d'agrandir, on démolit. Au lieu d'améliorer, on détruisit. La Révolution n'apporta qu'un grand désert dans l'instruction, là où son ambition était « d'éclairer » un peuple prétendument ignorant.

  Les idées de Robespierre et de Danton, sur les droits du père de famille en matière d'éducation, illustrent ce qu'était la morale républicaine. « La patrie, disait Robespierre, a seule droit d'élever ses enfants. Elle ne peut pas confier ce dépôt à l'orgueil des familles ni aux préjugés des particuliers, aliments éternels de l'aristocratie et d'un fédéralisme domestique qui rétrécit les âmes en les isolant » (Séance du 18 floréal an II, 7 mai 1794).

  « II est temps de rétablir ce grand principe, dit aussi Danton, qu'on semble trop méconnaître : que les enfants appartiennent à la république avant d'appartenir à leurs parents... Qui me répondra que les enfants, travaillés par l'égoïsme des pères, ne deviennent dangereux pour la république ?... Et que doit donc nous importer la raison d'un individu devant la raison nationale ? » (Séance du 22 frimaire an II, 12 décembre 1793)

  Malgré de nombreux décrets, tous voués à l'échec plus ou moins rapidement, il fallut attendre Jules Ferry et ses premières mesures en tant que ministre de l'Instruction publique en 1879 pour voir revenir un peu d'ordre dans le système scolaire.

  Aujourd'hui, nous entendons toujours le même discours que Robespierre et Danton (cf. propos tenus par la sénatrice Rossignol en Février 2018). Qu'est-ce que Jules Ferry a véritablement changé par son intervention et ses lois scolaires ?

  A suivre…

Jehanne de Brey